Backstage
2023

Backstage

Backstage plonge dans l'univers intense de la danse contemporaine, où chaque mouvement devient un langage puissant et une forme d'expression radicale. Suivez une troupe de danseurs professionnels, confrontés aux défis physiques et émotionnels de leur art, alors qu'ils cherchent à se redéfinir dans un monde en crise. Entre tensions intimes, luttes personnelles et quête de liberté dans un environnement chaotique, le film capte la beauté et la fragilité de l'instant à travers des chorégraphies sublimes et une exploration sensorielle du corps. Un voyage visuel et émotionnel fascinant, où la danse devient à la fois une résistance et un miroir des contradictions humaines.

Backstage : Une errance chorégraphique fascinante mais inaboutie !


Dès ses premières minutes, Backstage s’impose comme un film où la danse contemporaine n’est pas seulement un art, mais une trame narrative en soi. Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane explorent un récit où le corps en mouvement devient langage, où chaque geste raconte une histoire. Avec la participation du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui et d’une panoplie de danseurs professionnels – Sofiane Ouissi (Malik), Ali Thabet (Ilyes), Hajiba Fahmy (Sondos), Nassim Baddag (Seif) & Sondos Belhassen (Nawel) – le film s’ancre dans une esthétique physique et sensorielle, où la danse prolonge les émotions des personnages.

Tous les tableaux dansés sont magnifiques. Il y a un réel travail de recherche sur la manière de filmer le mouvement, de capter l’énergie des corps en interaction avec l’espace. On pense à des films comme Pina (2011) de Wim Wenders, où la danse est une narration en elle-même, ou encore Climax (2018) de Gaspar Noé, qui joue sur la tension entre performance et chaos.

Le choix d’un casting majoritairement composé de danseurs professionnels apporte une intensité physique indéniable. Chaque interprète captive par sa présence scénique, magnifiée par une mise en scène qui privilégie l’expressivité du corps. Si la direction d’acteurs est parfois inégale et que certaines émotions auraient pu être davantage exploitées, le film compense par la puissance visuelle et sensorielle de ses chorégraphies.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

Narrativement, Backstage aborde une mosaïque de thèmes, allant des tensions amoureuses aux dynamiques de groupe, en passant par l’épuisement psychologique. Il touche également à des questions plus vastes, comme les séquelles de la décennie noire, la guerre en Syrie ou encore l’impact de la pandémie de Covid sur les esprits et les corps. Certaines réflexions plus intimes émergent également : la peur du vieillissement chez les danseurs, le choix de ne pas avoir d’enfants pour préserver son corps et sa carrière, ou encore la complexité d’une grossesse issue d’une relation avec un homme bisexuel qui ne s’assume pas. Autant d’éléments qui enrichissent la toile de fond du film, même si leur traitement reste souvent elliptique, laissant au spectateur le soin de combler les non-dits.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

Au-delà de ces trajectoires individuelles, Backstage interroge aussi la place de l’humain dans son environnement. Le film s’ouvre sur une séquence magistrale où la troupe évolue devant d’immenses écrans diffusant des images de catastrophes environnementales. La danse devient alors un geste de résistance, une tentative d’inscrire le mouvement dans un monde en péril. Plus tard, cette même troupe se retrouve livrée à une nature qu’elle ne maîtrise plus, errant dans une forêt obscure.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

Cette errance nocturne met en lumière une dualité centrale du film : l’homme et la nature, le contrôle et l’abandon, l’harmonie et la confrontation. Ces danseurs, qui portent dans leur art la mémoire d’un monde en crise, finissent eux-mêmes confrontés à la peur, à l’inconnu, à la frustration de la nuit et, à la fin de leur périple, à une attaque de singes… Pourtant, ce sous-texte, comme beaucoup d’autres, reste en suspens, sans réelle exploitation dramaturgique.

Mais si Backstage explore la relation entre l’homme et son environnement, il le fait avant tout à travers les corps et leurs interactions. Le film ne raconte pas seulement une errance collective, il met en scène une cartographie des liens humains, faite de rapprochements et d’éloignements, de tensions et d’attirances.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

Une des particularités fascinantes de Backstage réside dans sa manière d’explorer le dialogue amoureux sans mots. Ici, les personnages ne s’expriment pas à travers de longues conversations, mais par la danse, le toucher et une gestuelle chargée de sens. Chaque contact physique semble résonner dans l’espace, non pas par une musique traditionnelle, mais par les sons de la nature. Le bruissement des feuilles, le souffle du vent, le craquement des branches deviennent la seule bande-son de ces échanges intimes, créant une atmosphère envoûtante et sensorielle.

Le film met en scène plusieurs duos et trios qui traduisent cette approche sensorielle du désir et de l’émotion. Parmi eux, le trio formé par Ali Thabet (Ilyes), Hajiba Fahmy (Sondos) et Nassim Baddag (Seif) évoque instantanément la célèbre scène du trio dans In the Mood for Love de Wong Kar-wai: une danse où les corps se cherchent, se frôlent, hésitent entre passion et retenue, dans une tension palpable.

Le duo homosexuel muet, incarné par Malik (Sofiane Ouissi) et Sidi Larbi Charkaoui, pousse encore plus loin cette absence de verbalisation : leur relation passe exclusivement par le toucher, un langage du corps qui dit tout sans un mot. De même, la relation entre Charkaoui et Afef Ben Mahmoud repose sur une dynamique similaire, où l’intensité du lien se construit par le mouvement, la proximité corporelle et le chuchotement.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

L’un des moments les plus poignants du film reste la relation entre Nawel (Sondes Belhassen) et son mari disparu. Dans « la séquence rose », hors du récit linéaire mais profondément émotive, la nature change de teinte et devient le théâtre d’un dialogue fantomatique. Dans cette atmosphère presque irréelle, Nawel imagine son mari à ses côtés, le temps d’un instant suspendu. Dans un geste de pure émotion, elle se met à danser, et tout s’évapore. La nature reprend alors ses teintes de vert, comme si le rêve et la mémoire avaient été absorbés par la forêt. L’instant est d’une beauté saisissante, soulignant la manière dont Backstage joue sur la mémoire et l’absence à travers le mouvement. Cette séquence illustre l’un des enjeux majeurs du film : la danse comme moyen de survivre à l’épreuve, de transcender l’éphémère. Chaque geste semble être une tentative d’inscrire un instant dans le temps, de résister à l’oubli.

© Backstage (2023)

© Backstage (2023)

En somme, Backstage est une proposition cinématographique audacieuse, qui fusionne danse et récit de survie avec une ambition indéniable. Si le film séduit par la beauté de ses chorégraphies et l’intelligence de certaines de ses correspondances visuelles, il laisse volontairement certaines zones d’ombre, privilégiant le langage du corps à une dramaturgie plus conventionnelle. Une approche qui pourra frustrer certains spectateurs, mais qui confère au film une poésie singulière et sensorielle.

 

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