Layla, ma raison
1989

Layla, ma raison

"La légende contée par André MIQUEL dans son roman « LAYLA MA RAISON » est l'une des plus anciennes histoires d'amour que l'humanité ait connues. Majnûn et Layla nés dans l'Arabie du VIIème siècle, nous paraissent familiers à travers les couples d'amants célèbres : TRISTAN et ISEULT, ROMEO et JULIETTE... Majnûn et Layla sont l'amour, la folie et la poésie, mais Majnûn est aussi « une âme ivre et libre » qui aime, défie l'ordre établi, crie cet amour et le paye de sa propre vie. Il est d'une exigence absolue et se meut hors de toute contrainte, dans un espace où s'inscrit toute sa dimension. Personnage de légende, Majnûn est paradoxalement contemporain".

Layla ma raison : Une passion dévorante et une folie qui dépasse le temps !

Avec une poésie brute et une mise en scène épurée, Layla ma raison de Taïeb Louhichi se sert de la légende intemporelle de Majnûn et Layla, tirée de la poésie arabe classique, pour livrer un drame romantique magistral et profondément humain. Ce mythe, popularisé par le poète Qays ibn al-Mulawwah trouve dans ce film une résonance poignante.

© Layla, ma raison (1989)


La légende d’amour tragique qui lie Majnûn à Layla, tourmentée par les conventions sociales et les traditions familiales, est racontée ici avec une telle intensité qu’elle semble à la fois ancienne et étonnamment contemporaine. La mise en scène de Louhichi, d’une grande simplicité visuelle, crée un espace où les émotions prennent le dessus sur l’action, où le désert symbolise à la fois l’isolement et la liberté intérieure de Majnûn. Cette approche intimiste et immersive nous invite à réfléchir sur les limites imposées à l’amour pur et à la folie qui l’accompagne.

Le film fait écho à des œuvres littéraires et cinématographiques classiques où l’amour et la folie sont des thèmes centraux. Il n’est pas sans rappeler Roméo et Juliette de William Shakespeare, dont l’histoire d’un amour contrarié conduit à la mort des amants, ou encore Tristan et Iseult, une légende médiévale racontée par plusieurs auteurs, où la passion fatale des amants se heurte à la violence des normes sociales et familiales. Dans un registre plus proche, Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, publié en 1788, raconte aussi un amour pur et impossible entre deux jeunes gens séparés par des obstacles sociaux et géographiques.

Dans le cinéma, L’amour fou de Jacques Rivette ou Le Dernier Métro de François Truffaut explorent aussi cette même dialectique entre l’amour dévorant et les pressions extérieures. Louhichi, cependant, parvient à infuser cette légende d’une modernité surprenante, où les codes du drame romantique sont métamorphosés pour interroger cette tension, entre amour et devoir, liberté et fatalité.

Le film se distingue avant tout par sa direction artistique subtile. Le rôle de Majnûn est magistralement interprété par Safy Boutella, les personnages secondaires enrichissent cette tragédie avec une profonde humanité. À l’image du père de Layla, incarné par Abderrahmane al-Rachi, qui incarne une autorité et un honneur intransigeants, on retrouve une figure paternelle sévère et résignée, proche de celle de Franz von Stauffenberg dans Les Damnés de Luchino Visconti. Le personnage de Majnûn va bien au-delà de celui d’un simple fou d’amour : il devient un symbole de rébellion, une sorte de Tristan des temps modernes, en proie à une passion qui le consume et qu’il défie à tout prix.

© Layla, ma raison (1989)

Dans Layla ma raison, Fatma ben Saidane joue un personnage muet, un rôle qui rappelle son apparition dans Arab de Fadhel Jaziri et Fadhel Jaïbi, où elle incarne également une figure silencieuse et marquée par une grande solitude. Son personnage dans ce film est construit avec une économie de gestes, sa présence étant plus suggérée que démontrée. À travers un look similaire à celui d'Arab, où elle adopte une posture réservée et une expression de souffrance contenue, Fatma ben Saidane parvient à exprimer la gravité de son rôle sans recourir à l'expression verbale. Sa performance, bien que discrète, sert de toile de fond émotive à l’histoire, incarnant la lutte intérieure de Qays avec une retenue efficace.

Le film pousse également à la réflexion sur l’isolement et la révolte. Majnûn, en quête d’un amour pur, devient une sorte de héros tragique, prêt à tout sacrifier pour une liberté qu’il ne pourra jamais atteindre. Sa 'folie', bien que perçue comme une dérive dans un premier temps, devient finalement un acte de résistance face à un monde qui ne comprend pas, et qui ne veut pas comprendre. À travers la lutte intérieure de Majnûn et son combat pour un amour impossible, le film interroge la condition humaine et ses contradictions, entre la quête de liberté individuelle et les réalités d'une société fermée et rigide.

Avec une mise en scène qui va à l’essentiel et une photographie qui saisit la beauté du désert tout en amplifiant le sentiment d’abandon et de solitude, Layla ma raison est une œuvre d’une rare intensité. Le film parvient à toucher au cœur de l’âme humaine, et à l’universel de cette quête amoureuse et tragique qui dépasse les siècles. Un drame intemporel, porté par une interprétation poignante et une direction artistique sans failles, qui résonne comme un cri d’amour et de liberté dans un monde trop souvent clos sur lui-même.

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